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Questions de cinéma
N° 1 (septembre 2003) : Questions de cinéma
Sous la direction de Jacques Arlandis
Editorial
Jacques Arlandis, Directeur de l’ENS Louis-Lumière
L’Ecole nationale supérieure Louis-Lumière est une école de la tradition et de l’innovation, de la technique et de l’esthétique, des savoirs faire et des savoirs.
Si les savoirs faire professionnels de l’image et du son se prêtent au projet et à la réalisation, les savoirs que nous manipulons, comme de bons artisans, invitent à la réflexion, à la conceptualisation, à l’analyse.
Différents moyens sont utilisés dans la pédagogie, la recherche, la création pour valoriser ses savoirs en évolution. Il manquait à l’école un support de l’écrit pour porter ce travail.
Ce support nous l’avons défini comme » cahier « . La tradition du » cahier » est intéressante car elle permet tout autant l’ébauche que l’aboutissement, l’état de l’art tout autant que l’innovation conceptuelle, le croquis technique autant que la réflexion esthétique.
De ces différentes problématiques, le premier cahier Louis-Lumière se veut sinon exemplaire du moins illustratif.
S’appuyant sur le travail d’un séminaire de recherche organisé pour les étudiants de troisième année, séminaire où s’articulaient les interventions des enseignants-chercheurs de l’école et celles de collègues d’autres institutions universitaires, il a pris la forme d’une série de contributions se rassemblant autour d’une thématique large, celle du médium et de son rapport au réel, thématique chère au cinéma, mais également pertinente pour le son, voire pour l’image photographique.
Une telle publication appelle sa pérennisation. Celle-ci passe par la rencontre puis l’attachement d’un lectorat au » Cahier Louis-Lumière « . Nous ne manquerons, et nous le faisons dès à présent, de susciter le lecteur pour qu’il participe par ses remarques, ses critiques, ses suggestions à la construction d’une ligne éditoriale, qui, par pragmatisme, n’a pas été définie à priori. Cette pérennisation souhaitée passe également par la constitution de matériaux intellectuels vivants qui se transformeront dans un moment propice pour constituer tel ou tel numéro.
Par la concomitance de deux publications nouvelles, récurrentes, identifiables dans la forme et le fond, que sont » le Cahier » et » le Séminaire professionnel « , nous marquons le désir d’être un lieu de débat qui permettent à l’ensemble des communautés professionnelles avec lesquelles l’école travaille et se développe, de partager leurs visions, leurs interrogations, leurs connaissances.
Qu’il me soit permis, comme directeur et comme lecteur, de souhaiter longue vie au » Cahier Louis-Lumière » et succès à ce premier numéro d’automne 2003.
Directeur de publication : Jacques Arlandis, Directeur de l’ENS Louis-Lumière
Rédacteur en chef (N°1 – Automne 2003) : Gérard Leblanc
Ont participé à la rédaction de ce numéro : Gérard Leblanc, Claude Bailblé, Franck Beau, Christian Cannonville, David Faroult, Catherine Gueneau, Francine Lévy, Pascal Martin. Création graphique originale : Magdalena Holtz
Sommaire
- Introduction, Gérard Leblanc
- Le noir et blanc au cinéma, Claude Bailblé
- Les scénarisations dominantes des opérations techniques, David Faroult
- Le flou/net de profondeur : un héritage inattendu, Pascal Martin
- De la perspective au point de vue : une compression de l’espace temps, Francine Lévy
- Les enjeux d’une esthétique et d’une histoire ludographique, Franck Beau
- De quelques implications esthétiques des innovations techniques dans la dimension sonore des films, Christian Canonville
- Un cinéma du subjectif, Gérard Leblanc
- Filmer en amour,Catherine Guéneau
Résumé
Le noir et blanc au cinéma, Claude Bailblé
Bien que délaissé par le cinéma contemporain, ou même combattu par la colorisation des films lors de diffusions télévisuelles, le noir et blanc continue pourtant d’exercer une emprise, déployant son apparence mi-diurne, mi-nocturne. Partant des modifications visuelles proposées par l’écran (suspension des constances perceptives, vision coplanaire) ou par la pellicule (modulation du contraste, autonomie de la lumière sur les choses qu’elle éclaire) l’auteur cherche ici à caractériser le pouvoir expressif des ombres et des jours, tout en interrogeant la tactilité optique -le velouté, le grain et la texture- d’un monde provisoirement sans couleurs. Cette approche art et science conduit nécessairement à « l’atelier des lumières », là où s’affine l’image blanche et noire, là où s’ajuste le sentiment esthétique en rapport avec les situations et les personnages. À la vérité géométrique de l’objectif saisissant l’espace indéformable, répond alors l’authenticité de l’artiste remodelant lumineusement les apparences, à la recherche de l’émotion.
Les scénarisations dominantes des opérations techniques, David Faroult
Le sujet de cet article est d’analyser les idéologies dominantes dans la scénarisation par la mise en œuvre des différentes techniques au cinéma. L’hypothèse de départ est de considérer l’ensemble des films comme des productions idéologiques, ce qui exige d’emblée de définir le concept d’idéologie et la fonction du cinéma dans l’organisation de la société. Dans ce cadre, le concept de scénarisation désigne l’organisation des représentations, toujours déterminée par des conceptions philosophiques implicites (conceptions du monde, de la connaissance, du cinéma bien sûr, de la narration, du spectateur, …). A partir de là, le questionnement peut se déployer autour de quatre thèses :
- Les choix artistiques et techniques (conscients ou inconscients) en jeu dans la confection d’un film peuvent être considérées comme autant d’opérations de scénarisation.
- La tendance idéologique qui domine un film est le résultat d’une lutte entre les multiples scénarisations au sein de ce film.
- La pratique habituelle des techniciens dans le cinéma dominant est la naturalisation de la technique : elle doit être invisible, transparente pour le spectateur.
- Cette naturalisation des techniques, pour autant qu’elle soit dominante, n’est pas la seule démarche possible.
Le flou/net de profondeur : un héritage inattendu, Pascal Martin
La sortie de citizen Kane, en 1946, marque une rupture conceptuelle de la représentation en profondeur du dispositif cinématographique. Pourtant, Renoir avait déjà amorcé cette révolution en considérant l’objectif non pas comme un simple outil de la retranscription de la réalité, mais comme un inducteur esthétique. La stratification de l’espace en profondeur est une typologie récurrente de l’histoire de l’image qu’elle soit fixe ou animée. Régulièrement, diverses publications (La Revue SIMULACRES de novembre 2002 publiée aux éditions Rouge Profond traite du flou dans un dossier de 29 pages) traitent de dossiers relatifs au flou ou à la profondeur de champ, bien que ces concepts semblent demeurer en marges des œuvres fictionnelles actuelles. Cependant, un regard particulier sur cette question permet de constater quelques surprises concernant non seulement le grand mais également le petit écran. Nous tenterons dans cette contribution de décrire quelques utilisations particulièrement réussies et proposerons une étude inédite, fruit d’une longue recherche, permettant de quantifier en pratique le flou/net de profondeur.
De la perspective au point de vue : une compression de l’espace temps, Francine Lévy
L’image photographique et cinématographique s’emparent de l’espace en une fraction de seconde. Cette transmutation instantanée, qui a fasciné l’illusionniste Méliès et grâce à lui des spectateurs ébahis, est depuis longtemps devenue ordinaire. Si ordinaire même, qu’on en a désappris comment l’œil s’appuie sur les lignes pour conduire la main à leur dessin. Et, ce faisant, on a oublié que ce qui se dessine (ce qui se filme), doit être regardé d’abord.
Dans le » tout donné » de la captation, n’y a t-il pas de » non vu « , de ce que les artistes et les peintres en particulier, dissimulent sous les voiles de l’apparence, et qui, ne se révèle que très progressivement, et tout particulièrement en changeant de » point de vue « .
La question du » point de vue » est au centre de la création visuelle, et plus encore de la création cinématographique. Il est possible de travailler à la fois la surface de l’image et son épaisseur. Se libérer de la dictature de l’ » objectivité » imposée par les optiques photographiques laisse espérer de nouvelles formes narratives.
Les enjeux d’une esthétique et d’une histoire ludographique, Franck Beau
L’appartenance du jeu vidéo à la sphère de l’audiovisuel, ses fortes ressemblances et relations d’influence avec le cinéma, n’empêchent-ils pas de considérer le jeu vidéo à travers un paradigme qui lui serait propre ? L’essence instrumentale du jeu vidéo le rapproche en effet davantage de la musique, des arts de la scène et du sport. Sous cet angle, le joueur ne devrait plus apparaître comme un spectateur plus ou moins actif ou passif devant un écran, une machine, mais comme quelqu’un qui écrit et interprète un rôle. Cet article propose ainsi d¹introduire la question de l’expression ludographique, comme nouvel angle d’analyse du dispositif vidéoludique.
De quelques implications esthétiques des innovations techniques dans la dimension sonore des films, Christian Canonville
Peu à peu, avec les avancées techniques, le silence ne s’affirme plus seulement en tant qu’absence de bruit, phénomène à part entière avec ses effets dramatiques et structurels, mais comme un véritable continuum composé d’un fourmillement de sons, d’événements non-identifiables, d’où naît le sonore pour y retourner. Parallèlement, alors que la « haute définition » des bruits engendre une « haute fidélité » aux objets dans un rapport de mimesis, elle permet une saillence du sonore propice à d’autres aspects du réel.
Un cinéma du subjectif, Gérard Leblanc
Cet article s’efforce de circonscrire le territoire d’un cinéma du subjectif, au croisement d’enjeux de vie et d’enjeux de cinéma. Le cinéma du subjectif amène à redéfinir la place du cinéaste comme celle du spectateur et à envisager de façon différente la relation du cinéma à la vie.
Filmer en amour, Catherine GuéneauEntrevoir dans ce texte des problématiques liées à l’expression cinématographique de la relation amoureuse. A l’intersection de la vie et du cinéma, il sera question de la rencontre et particulièrement de celle des images à travers la surimpression, du regard, du mouvement, de la construction de différentes temporalités, de (co)naissance.