Les groupes Medvedkine : une émancipation ouvrière ?

Résumé : Les groupes Medvedkine, groupes de cinéma ouvrier militant à Besançon puis Sochaux, ont ceci de particulier, dans l’effervescence politique des années 1968, que la revendication culturelle y est primordiale. Accès à la culture comme compréhension du monde mais aussi accès au « beau » et à la création : revendication d’une part jusque-là ignorée des ouvrier-ère-s dans les considérations esthétiques. Cette incursion « par effraction » dans la sphère de l’art et de la pensée recoupe le travail sur l’émancipation ouvrière fait par le philosophe Jacques Rancière, entamé un peu plus tard, au milieu des années 1970, où celui-ci développe l’idée d’une émancipation via
un regard et une attention esthétique. Le contexte de militantisme syndical dans lequel évoluaient les groupes a-t-il permis une émancipation, au sens rancièrien, de ses participant-e-s ? C’est l’objet de ce mémoire, qui après un bref rappel historique du contexte d’apparition des groupes Medvedkine, tentera d’éclaircir les dynamiques de cette expérience.

Dans un premier temps, nous nous demanderons quelles conceptions de
l’émancipation induisent les différents rapports à la culture identifiés dans l’histoire des groupes, et nous tenterons d’établir ce que ces aspirations ont de commun avec le paradigme rancièrien du « partage du sensible ». Dans une seconde partie, nous chercherons à dégager des films les éléments créant des écarts avec le discours militant de la « prise de conscience », pour montrer qu’ils tendent vers un registre plus sensible : celui de la fraternité.

Mots-clés : Medvedkine – ouvrier – émancipation – usine – lutte – groupe – collectif – Marker – Peugeot – Rhodiacéta – Sochaux – Besançon – Rancière

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Abstract: The Medvedkine’s groups, which were militant worker cinema groups in Besancon then Sochaux, are unusual because they put forward cultural concerns in the 68’s political tumult. Access to culture as a way of understanding the world but also access to « beauty » and creation : Revendication ignored that far by workers in the aesthetic considerations. This incursion « by breaking » in the sphere of art and thought intersects Jacques Rancière’s work on worker emancipation, initiated in the
middle of the 70’s, developping the idea of an emancipation through an aesthetic attention. Did the context of union militancy in which the groups evolved allow emancipation, in the rancierian sense, of its participants? This is the subject of this memoir, which after a brief historical reminder of the context of the birth of Medvedkine groups, will try to clarify the dynamics of this experience.
At first, we will wonder what conceptions of emancipation induce the different relationships to culture identified in the history of groups, and we will try to establish what these aspirations have in common with the rancierian paradigm of « partage du sensible ». In a second part, we will, in the movies, look for the gaps created with the militant discourse of « awareness », to show that they tend towards a more sensitive register: the register of fraternity.

Keywords: Medvedkine – worker – emancipation – factory – struggle – group – collective – Marker – Peugeot – Rhodiacéta – Sochaux – Besançon – Rancière