La photographie de nature morte contemporaine : vers une hyperréalité


Date : 2017
Auteur : Margaux Jannin
Directeur(s) de mémoire : Claire Bras

Photographie

Résumé : Encore méconnue du grand public, la nature morte photographique, entre héritage des beaux-arts et statut d’image publicitaire, est en réalité riche de démarches diverses. Constatant depuis une dizaine d’années un regain de popularité du genre, cette étude s’attache à identifier et analyser l’un des courants de ce renouveau, qui repousse les limites de l’artificialité dans la représentation de l’inerte. En analysant des démarches historiques au sein du genre de la nature morte, aussi bien en peinture qu’en photographie, il apparaît que le traitement de la matière est central dans cette représentation. L’excès de naturalisme peut alors, paradoxalement, dénaturer l’objet représenté en lui conférant une solidité apparente qui nie son caractère éphémère. Les nouveaux modes de représentation de l’espace développés au sein des avant-gardes artistiques de l’entre-deux-guerres, en s’éloignant d’une représentation traditionnellement réaliste par des effets qui distordent, compressent l’espace, et projettent la représentation dans un lieu imaginaire, rapprochent encore l’image de l’objet d’une abstraction. Ces démarches historiques constituent les prémices à cette photographie contemporaine de l’inerte. Celle-ci aborde la question de la matérialité sous l’angle d’un environnement synthétique. Le traitement de la lumière et le stylisme s’attachent à renforcer l’artificialité de cet environnement, tandis que le rapport entre forme et couleur permet aux photographes de construire des compositions graphiques. Par ailleurs, le lieu du studio est assumé comme espace de création et de construction d’une illusion, dont l’envers est parfois dévoilé au sein même des images. Alors que notre environnement quotidien paraît progressivement se standardiser et s’aseptiser, cette photographie de nature morte, interroge le statut de l’image au sein d’une société de consommation qui opère un glissement du réel vers l’hyperréel. Aussi, elle s’inscrit dans un contexte de dématérialisation des images à l’ère du numérique. La représentation de l’objet inerte permet alors l’expérimentation autour du statut de fichier numérique des images. L’image, perdant son référent au matériel, se rapproche de l’image de synthèse, aussi bien dans les pratiques de postproduction qu’esthétiquement. Cette photographie de nature morte, par une confusion sur sa nature indicielle, renoue donc avec la notion d’illusion et de trompe-l’oeil présente dès les origines de la représentation de l’objet.

Mots-clés : nature morte, objet, matière, artificiel, hyperréel.

Abstract: Still largely overlooked by the general public, still life photography, which lies somewhere between its fine arts legacy and its status in advertising, is in reality rich in diverse artistic approaches. Noticing a renewed interest in the genre over the last decade, this study is committed to identifying and analysing one of the new trends, which is expanding the boundaries of artificial representation of dead matter. Analysing historical approaches in the still life genre, whether in painting or photography, it appears that the pictorial treatment of materials is central to this representation. Excess naturalism can ironically lead to distorting the perception of the object, conveying a solidity that denies its ephemerality. New ways to represent space, developed by the avant-garde movements during the inter-war period, have moved from a traditionally realistic representation to one which distorts, compresses or creates an imaginary space, bringing the object’s image closer to abstraction. These historical approaches constitute the premises of this contemporary still life photography. This photography treats the problematic of materiality from the perspective of a synthetic environment. Lightning and the set design enhance the artificiality of this environment, whereas the relationship between forms and colours allows photographers to shape graphic compositions. Furthermore, the photographic studio is seen as a place of creation and construction of an illusion, of which the backstage is sometimes revealed in the pictures themselves. While our daily environment seems to have gradually become standardised and sanitized, this still life photography questions the status of the image in a consumer society, which operates a shift from reality to hyper-reality. In addition to this, such photography has to be placed in the context of the dematerialization of images in the digital age. Representation of lifeless objects allows for experimentations on the nature of photographs on digital files. These pictures, losing their point of contact with materiality because of postproduction and their aesthetic, are becoming closer to computer-generated images. This still life photography, by confusing the viewers on its representational dimension, reconnects with the notion of illusion rooted in the origins of the representation of objects.

Keywords: still-life, object, matter, artificial, hyperreal.

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