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Le paradigme Fukushima au cinéma : Ce que voir veut dire
Autrice – Auteur : Elise Domenach
Cinéma
Présentation
Qu’a-t-on « vu » de la catastrophe de Fukushima ? Ce volume sur le cinéma de Fukushima, le premier du genre, interroge les conditions de visibilité et d’invisibilité de la catastrophe, dans les films tournés sur place immédiatement après et durant les deux années qui l’ont suivie. Première étude sur la (re)présentation cinématographique de l’une des catastrophes majeures de l’histoire contemporaine, ce livre retourne la thèse sur l’impossibilité de représenter la catastrophe nucléaire. L’hypothèse centrale est ici que « Fukushima » ouvre sur un monde durablement abîmé qui requiert de nous de nouvelles capacités d’attention et de présence au monde. Et que les films de Matsubayashi, Hamaguchi, Fujiwara (entre autres), peuvent nous y éduquer. La lecture philosophique des films réalisés depuis Fukushima met en évidence, finalement, nos dénis et aveuglements contemporains face aux violences lentes et aux catastrophes ordinaires.
Traduction en langue anglaise
Fukushima Cinema Paradigm (2011-2022), University of Minnesota Press, en préparation.
La presse en parle
Un article paru dans la revue Cahiers du Cinéma, numéro 790, rubrique Livres, page 87, par Pierre Eugène.
« Le choc durable causé par le tsunami puis l’accident nucléaire survenus à Fukushima en mars 2011 a conduit de nombreux cinéastes japonais à tenter de documenter la catastrophe. Élise Domenach se penche sur ces films pour en tirer une réflexion épistémologique sur les potentialités et les limites du cinéma face aux « hyperobjets» que constituent les catastrophes de l’anthropocène, qui dépassent nos capacités humaines d’entendement et d’appréhension. Que peuvent donc montrer les films face aux causes non dénombrables de l’activité humaine, à l’invisibilité des radiations et à l’amplitude sans mesure des désastres dans le temps et l’espace ? L’autrice montre que les meilleurs cinéastes en prennent acte et vont contre le «sublime» aveuglant et dépossédant des destructions (qui induisent à une étrange passivité, comme le notait déjà Susan Sontag), exposent «le retard coupable de la caméra », enregistrent l’absence dans les images (Ryûsuke Hamaguchi et Kô Sakai dans leur trilogie des Waves, dévoilant la mémoire à travers un singulier dispositif fondé entièrement sur la parole), et réactivent une certaine mélancolie intrinsèque au medium photographique, celui d’un être-là disparu. Délaissant la sidération du présent, les cinéastes archivent le temps d’un très long ordinaire, telles Nuclear Nation de Atsushi Funahashi, sur près de dix ans aux côtés des réfugiés nucléaires. Souhaitant dépasser les «images-sources» traumatiques d’Hiroshima (Michael Lucken) tout en constituant un relevé réel de la vie dans le désastre, les cinéastes vont faire primer le soin aux autres (Yôju Matsubayashi, dans Fukushima : mémoire d’un paysage perdu, qui pose sa caméra pour aider quand il le faut), avec une attention particulière au paysage, comme s’il était un second visage humain. Confronté au pire, le cinéma interroge ainsi ses moyens et ses fins, et peut faire écho à cette belle citation de Didi-Huberman évoquée dans l’ouvrage: «Exercer deux fois sa patience, une fois pour le pathos, une fois pour la connaissance.» «
Publié aux éditions Mimésis, 2022. ISBN : 9788869763373.